REPERES

Une prison ou des prisons?

Le système carcéral français regroupe plusieurs types d'établissements aux missions diverses. Les deux principaux sont:

  • La maison d'arrêt concerne les détenus en attente de jugement, ceux qui ont été condamnés à une courte peine (c'est-à-dire moins de 2 ans), ainsi que ceux en attente d'affectation dans un établissement pour peine.
          Ce sont les maisons d'arrêt françaises qui souffrent de la surpopulation, du fait d'un        phénomène d'embouteillage à l'entrée du système carcéral.

  • Il existe trois types d'établissements pour peine. Il s'agit, soit d'une maison centrale pour les détenus "longues peines" les plus difficiles, soit un centre de détention pour les personnes condamnées à plus d'un an de prison et qui présentent de bonnes perspectives de réinsertion. Enfin, des établissements mixtes, les centres pénitentiaires, accueillent des quartiers "maison d'arrêt" et des quartiers "centre de détention".
      Les établissements pour peine ne souffrent pas de surpopulation du fait d'un numerus clausus.


Les chiffres clefs en janvier 2011 (source: administration pénitentiaire)

  • 189 établissements pénitentiaires dont 101 maisons d'arrêt (et 39 quartiers "maison d'arrêt), 40 centres pénitentiaires, 25 centres de détention (et 37 quartiers "centre de détention") et 6 maisons centrales (et 5 quartiers "maison centrale").
  • Soit 56 358 places pour 66 975 personnes écrouées au cours de l'année 2010.
  • L'administration pénitentiaire comprend 35 121 agents dont 25 873 personnels de surveillance et 4 046 personnels des SPIP, le service pénitentiaire d'insertion et de probation qui aide à la bonne réinsertion des personnes détenues. C'est en effet le second volet de la mission de l'administration pénitentiaire: surveiller les personnes qui lui sont confiées par la Justice et favoriser leur réinsertion sociale.


"La surpopulation est interdite en prison sauf..." ce que dit la loi.

Le plus simple pour appréhender la question de la surpopulation carcérale en France est de parcourir ce qu'affirme le Code de procédure pénale:

Article D83 
Le régime appliqué dans les maisons d'arrêt est celui de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit dans toute la mesure où la distribution des lieux le permet et sauf contre-indication médicale.

Cette règle ne fait pas obstacle, toutefois, à ce que soient organisées des activités collectives ou des activités dirigées, dans les conditions prévues aux articles D. 446, D. 452 et D. 459-3.

   Article D84  
Dans les maisons d'arrêt cellulaires, ou dans les quartiers cellulaires de ces établissements, il ne peut être dérogé à la règle de l'emprisonnement individuel qu'à titre temporaire, en raison de leurencombrement ou, pendant la journée, en raison des nécessités de l'organisation du travail.
Le chef de l'établissement peut cependant décider, sur avis médical motivé, de suspendre
l'emprisonnement individuel d'un détenu, notamment pour des motifs d'ordre psychologique, à
charge d'en rendre compte au directeur régional et, selon qu'il s'agit d'un prévenu ou d'un condamné, au magistrat saisi du dossier de l'information ou au juge de l'application des peines.

   Article D85 
Au cas où le nombre des cellules ne serait pas suffisant pour que chaque détenu puisse en occuper une individuellement, le chef de l'établissement désigne les détenus qui peuvent être placés ensemble dans le quartier en commun ou dans les locaux de désencombrement s'il en existe, et, à défaut, dans les cellules.
Les détenus ainsi désignés ne doivent comprendre, ni les prévenus à l'égard desquels l'autorité
judiciaire aura prescrit l'interdiction de communiquer ou la mise à l'isolement, ni les détenus âgés de moins de 21 ans, non plus, dans la mesure du possible, que les prévenus et les condamnés n'ayant pas subi antérieurement une peine privative de liberté."

Ainsi, la loi affirme comme principe l'enfermement individuel... sauf s'il n'y a pas la place! Dès lors, pourquoi s'étonner qu'il y ait en septembre 2011, 63 602 personnes incarcérées pour une disponibilité de 56 556 places. Soit une surpopulation de 7046 personnes.

"Encellulement individuel" 
                                                  Ce que dit la loi, ce que disent les faits

Ce principe est inscrit en droit français depuis... 1875. Sans jamais avoir été réellement appliqué? L'article 87 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 le réaffirme... en vain. 

Cette distorsion entre le texte et la réalité avait motivé un vif débat à l'occasion de la réforme de la loi pénitentiaire en septembre 2009. 
Le texte proposé par le gouvernement Fillon prévoyait que les détenus soient placés, "selon leur libre choix", "soit en cellule individuelle, soit en cellule collective". Ce qui avait soulevé un tôlé dans l'opposition. "C'est indigne de notre pays! L'encellulement individuel est une règle européenne à laquelle on ne devrait pas déroger", avait dénoncé quant à elle l'ancienne garde des Sceaux, Elisabeth Guigou (PS). 

Ce à quoi, Michelle Alliot-Marie, ministre de la Justice alors, lui répondait: "Rien n'est pire que d'avoir des lois qu'on n'applique pas". "Est-ce que vous vous sentez à l'aise" de marteler "un certain nombre de principes dont vous faites un dogme et qui ne sont jamais appliqués?"

Une des solutions serait de se donner les moyens de ce principe... Progressivement, la France avance dans ce sens.