mardi 10 janvier 2012

Loi sur l’exécution des peines: ce qui devrait changer... et ne pas changer.


Désengorger 
Il y a bien sûr, dans le projet de loi relatif à l’exécution des peines, débattu à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, l'annonce de la création de 23 000 nouvelles places en prison à l'horizon 2017. L'objectif est louable, puisqu'il s'agit d'avoir les moyens d’exécuter l'ensemble des peines d'emprisonnement décidées par les tribunaux français. 


En 2009, un rapport de l'Inspection générale du ministère de la Justice avançait le chiffre de 82 000 peines d’emprisonnement restées sans suite. Tout parent ou éducateur mesure l'effet délétère d'une sanction inappliquée... Cette défaillance du système judiciaire et pénitentiaire devait être réparée et le Gouvernement s'y atèle.


En outre, ce projet de loi devrait permettre de réduire la surpopulation carcérale. Réduire, et non pas combler, car les entrées annuelles en prison ne cessent d'augmenter. 67 308 incarcérations en 2001, 82 725 en 2010, selon les chiffres officiels. Jean-Paul Garraud, député UMP de la Gironde et rapporteur du projet de loi, table "sur une augmentation du nombre de peines à hauteur de 2 % par an"... La France n'est pas sortie de l'auberge*! 

Incarcération à la carte
S’il poursuit dans le sens d’une politique répressive trop largement carcérale, ce projet de loi présente cependant des points positifs. En particulier dans sa volonté de construire une incarcération "à la carte". Tous les criminels, tous les délinquants, n'ont pas à être enfermés, et s'ils le sont, à être incarcérés ensemble: des chauffards routiers avec des terroristes, des dealers chevronnés aux cotés de voleurs à-la-tire... C'est pourtant le cas.

Concernant la récidive, des prisons à sécurité allégée sont envisagées afin d'accueillir des courtes peines. "Plus de la moitié des peines en attente d’exécution ont une durée inférieure ou égale à trois mois", explique le texte. Dans la mesure où l'Etat s'apprête à les faire appliquer, mieux vaudrait que ces individus à la dangerosité relative ne soient pas mis au contact de délinquants avertis, peu recommandables. 
Concernant l'autre extrémité de la délinquance, celle des longues peines, il est proposé la création de trois nouveaux Centres nationaux d’évaluation (CNE) pour les condamnés qui présentent « un degré de dangerosité supérieur ».

Dans ce même esprit, le nombre d’experts psychiatres judiciaires devrait augmenter. 537 médecins sont aujourd'hui inscrits sur les listes des cours d’appel. Les psychiatres ne se battent pas aux portillons des prisons, une « incitation financière forte » sous la forme d'une bourse devrait donc être proposée aux internes en psychiatrie afin de les motiver à travailler en milieu carcéral. Les médecins libéraux se verront octroyer une indemnité pour perte de ressources de 300 euros.
Les criminels sexuels sont également visés par le texte. Un deuxième établissement spécialisé dans la prise en charge des détenus souffrant de troubles graves du comportement sera construit avec une capacité de 95 places. 
Enfin, les mineurs ne sont pas oubliés et le texte envisage la création de 20 nouveaux centres éducatifs fermés en sus des 44 déjà existants.
Il y en a donc pour tout le monde et les mauvaises langues diront que ce texte est fourre-tout... donc peu efficace. On préféra penser qu'il tente de répondre à la complexité du monde carcéral. Ce qui va dans le bon sens.
                                                                                                   G.D.

*Petite aparté: Outre qu'enfermer le moindre délinquant est un projet de société peu enthousiasmant, l'escalade des incarcérations met  en lumière un paradoxe. Pourquoi vouloir enfermer toujours plus, lorsque les ministres de l'Intérieur successifs nous affirment que la délinquance baisse en France depuis 9 ans? Si la délinquance baisse, pourquoi donc les incarcérations augmentent-elles? Drôle de paradoxe.


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