lundi 2 juillet 2012

La piste des "rencontres victimes-agresseurs"

Crédits photo : ERIC ESTRADE/AFP
Le quotidien La Croix, toujours très intéressé par les questions carcérales, se fait l'écho des "rencontres victimes-agresseurs" qui ont été expérimentées depuis 2010 à la maison d'arrêt de Poissy. L'idée, généreuse, est de se faire rencontrer des victimes et des auteurs d'agressions. Les unes et les autres n'étant bien évidemment pas partis à la même affaire. C'est un pari ô combien audacieux qui semble, s'il est bien mené, pouvoir porter des fruits aussi bien pour les victimes, afin qu'elles tournent la page et reçoivent les réponses aux questions qu'elles se posent et qui ne sont pas toujours apportées par un procès pénal, que pour les agresseurs, qui se rendent compte de la portée de leur acte. 

La Garde des Sceaux, Mme Taubira, semble s'y intéresser de près. Affaire à suivre.

Payer, restaurer, réinsérer
Ces rencontres s'inscrivent dans la droite ligne de la justice dite "restauratrice", c'est-à-dire, une justice essentiellement orientée vers la réparation des dommages causés par un acte. Cette justice "réparatrice" est opposée à la justice "punitive". 

La prison est en effet au coeur de trois considérations plus ou moins prises en compte par chaque système carcéral: payer, restaurer, réinsérer. Car s'il faut envisager de restaurer le coupable dans sa dimension d'homme tout autant que ses victimes; car s'il faut penser à l'après-prison et à la réinsertion du coupable afin qu'il ne récidive pas dans son erreur; on ne peut oublier la dimension punitive, celle qui va condamner l'acte aux yeux de la société, celle qui va permettre au coupable de dire et se dire: j'ai payé la dette que j'ai contracté à l'égard de la société au moment où j'ai violé les règles du "vivre ensemble". Il faut donc trouver un équilibre entre ces trois missions de la prison. 

Les limites d'une "utopie qui marche"
Appliquée depuis plusieurs décennies, notamment en Australie et au Canada, la justice réparatrice semble porter des fruits en matière de récidive. Une étude de la Sécurité Publique Canadienne semble démontrer les délinquants qui ont participé au programme de "guérison communautaire" récidivent deux fois moins que ceux qui n'y ont pas eu accès. 

Mais cette "utopie qui marche" comme la présente le Pr de criminologie, Robert Cario, de l'université de Pau, a pourtant des limites. La principale est que la justice restauratrice ne peut fonctionner qu'avec la volonté conjointe de la victime et du coupable. Nous n'avons donc pas en mains la solution miracle. 

Avec la droite au pouvoir, il est toujours à craindre de céder au tout sécuritaire. Et avec la gauche, de s'abandonner aux douceurs d'un humanisme qui oublie trop souvent les victimes de l'insécurité. Tout cela est une question d'équilibre, et ces "rencontres victimes-agresseurs" pourront contribuer à le trouver. 

                                                                                                                G.D.





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