lundi 24 octobre 2011

Quand la reconnaissance des Témoins de Jéhovah par l'Etat passe par la case prison

Secte ou pas secte?
Une condamnation carcérale prive-t-elle le détenu de son droit à exercer sa religion? Certes non. Même quand le détenu est adepte d'un "groupe à caractère sectaire" comme sont définis les Témoins de Jéhovah dans les rapports successifs de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires* (Miviludes) depuis 1995.


C'est ce qu'a décidé la justice administrative française fidèle à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) dans trois décisions rendues le 30 mai 2011. La Cour administrative d'appel reconnait aux adeptes "jéhovistes", d'une part, le droit individuel de bénéficier d'un aumônier en la personne d'un ministre du culte, le droit pour les Témoins de Jéhovah d'avoir un aumônier national agrémenté par l'administration pénitentiaire et enfin, elle confirme la décision de première instance d'indemniser à hauteur de 3000 euros un détenu de Haute-Garonne, "privé de la possibilité de recevoir le ministre du culte" si ce n'est sur ses heures de visite "classique" au parloir.
Tour de garde, l'hebdo des Témoins de Jéhovah

Désormais, l'administration pénitentiaire ne pourra plus refuser l'agrément d’aumônier aux ministres du culte des Témoins, sous peine, précise la Cour, d'une astreinte de 100 euros par jour de retard dans le réexamen de leurs demandes.

Après plusieurs tribunaux administratifs en première instance, c'est désormais la Cour administrative d'appel qui confirme ce droit à la pratique religieuse pour les Témoins de Jéhovah. Le dernier recours pour l'AP resterait le Conseil d'Etat... qui, en 2000, a reconnu les associations locales des Témoins comme associations cultuelles. Il est donc peu probable que cet éventuel recours aboutisse.

Au-delà de la question portant sur le caractère avéré ou supposé sectaire des Témoins, on est en droit de s'interroger sur la portée d'une telle décision alors que le nombre de Témoins de Jéhovah détenus en France varie entre moins de 10 selon ses détracteurs de la Miviludes et une centaine à en croire la filiale française de l'organisation américaine Watchtower

Ce précédent pourrait s'avérer fâcheux pour les finances publiques. Faudra-t-il désormais pour l'administration pénitentiaire (AP) se plier aux exigences des adeptes de "l'Ordre du Graal ardent" ou de "l'Association de soutien à l'oeuvre de Sundari" autrement appelée Ecole de l'essentialisme, des adeptes de "l'Association spirituelle d'Haidyakhan", ceux de "la Communauté de la Thébaide", de "Cosmos - Intuition - Ailes", des paroissiens de "l'Eglise Khristique de la Jérusalem Nouvelle ordre de Raolf, d'Arnold et d'Osmond", sans oublier ceux de "l'Eglise philosophique Luciférienne", ceux de "la Communauté des petits frères et des petites soeurs du Sacré-coeur", ou bien encore du "Mouvement raelien français"*... et leur ouvrir les portes des aumôneries de prison sous peine pour l'AP d'être condamnée à leur verser 3000 euros par-ci, 3000 euros par-là, en guise de dédommagement. 

Tous en effet pratiquent un culte et la plupart ont leur ministre attitré. Jusqu'à présent, la république reconnait six cultes ayant droit de citer en prison:  catholique, musulman, protestant, juif, orthodoxe et bouddhiste. Les Témoins de Jéhovah sont en passe d'être le septième.


                                                                                                                       G.D.

Il faut noter que la Miviludes est rattachée aux services du Premier ministre.
* autant de mouvements recensés par la Miviludes dans son rapport de 1995

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